Mobutu et la cravate interdite : petite histoire de l’abacost

Un président, une tenue, et une interdiction nationale : la fin de la cravate au Zaïre

En 1972, dans le cadre de sa politique de « recours à l’authenticité », Mobutu Sese Seko prend une décision inattendue mais hautement symbolique : il interdit officiellement la cravate sur l’ensemble du territoire zaïrois. Selon lui, cet accessoire vestimentaire né en Europe est un signe de soumission à la culture occidentale et n’a pas sa place dans un pays décidé à affirmer sa propre identité.

À la place, Mobutu impose l’abacost (« à bas le costume »), un vêtement au col mao, sans cravate, généralement porté avec un badge à l’effigie du président. Conçu comme une alternative moderne et africaine au costume européen, l’abacost devient rapidement un symbole d’adhésion au régime et un outil de propagande visuelle. Tous les cadres de l’État, les fonctionnaires, les enseignants, les journalistes et les hommes politiques sont tenus de le porter dans leurs activités officielles.

Mais sous cette volonté d’ancrer l’authenticité, se profile aussi une logique d’uniformisation autoritaire. L’abacost, imposé à grande échelle, étouffe la diversité stylistique, fige les apparences et inscrit l’appartenance politique dans la garde-robe. Ne pas porter l’abacost pouvait être perçu comme un signe de rébellion, voire de trahison.

Pourtant, au-delà de son rôle politique, l’abacost a laissé une empreinte esthétique forte. Porté avec soin, souvent confectionné sur mesure, il participait à une certaine idée de l’élégance zaïroise. Il est resté, pour une génération, le costume d’une époque où la mode était aussi un langage politique.

Aujourd’hui, l’abacost revient parfois dans les collections de stylistes nostalgiques ou engagés, comme un clin d’œil à une page controversée de l’histoire vestimentaire du Congo.

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